
Chez un chien atteint d’ostéoarthrite (OA) associée à une inflammation articulaire aiguë et des douleurs intenses, le grapiprant n’est pas une alternative aux autres AINS.
Le grapiprant module partiellement les douleurs légères à modérées chez certains chiens atteints d’OA.
Le grapiprant : un mécanisme d’action original
Le grapiprant et les autres AINS interfèrent avec la cascade inflammatoire dépendante des cyclo-oxygénases (COX-2), responsables de la synthèse de prostaglandines et de thromboxanes pro-inflammatoires. Les AINS inhibent la cyclo-oxygénase 2 (COX-2) qui intervient dans la synthèse des prostanoïdes (thromboxanes, prostacyclines et prostaglandines). Le grapiprant exerce une action en aval, plus ciblée, en bloquant les récepteurs EP4 activés par les prostaglandines E2 (PGE2). Ces dernières jouent un rôle clé dans l’inflammation articulaire et la transmission des signaux nociceptifs au niveau périphérique et médullaire (figure 1) (Sartini & Giorgi, 2021).
Vu le rôle attribué aux PGE2 et les études réalisées chez les rongeurs, le grapiprant est souvent perçu comme une substance anti-inflammatoire et antalgique. Qu’en est-il sur le plan clinique chez le chien atteint d’ostéoarthrtite (OA) ?
Figure 1: Biosynthèse des prostaglandines et des thromboxanes et interactions avec leurs récepteurs. Cibles moléculaires des AINS: cyclo-oxygénases; du grapiprant (triangle vert - G): récepteur EP4 (adapté de Sartini & Giorgi, 2021).
Absence de preuves d’effet anti-inflammatoire du grapiprant chez le chien atteint d’OA
Une inflammation aiguë peut venir se greffer au processus dégénératif articulaire associé à l’OA. Elle peut être une source de douleur. Des douleurs articulaires peuvent aussi accompagner la dégradation des structures articulaires. Elles ne sont néanmoins pas proportionnelles à l’étendue des lésions. La douleur et l’inflammation aiguë sont donc des cibles thérapeutiques indépendantes. A ce jour, aucun traitement visant l’évolution de l’OA n’existe (Vandeweerd et al., 2015 ; Gregori et al., 2018).
Si les AINS mis sur le marché pour le traitement de l’arthrose exercent en général une double action, analgésique et anti-inflammatoire, les études pré-cliniques et cliniques réalisées chez le chien atteint d’OA n’ont pas mis en évidence d’effet anti-inflammatoire pour le grapiprant, ce qui n’est par ailleurs pas revendiqué dans le RCP. Un résumé des études précliniques et cliniques est joint en annexe.
Le grapiprant : un antalgique vis-à-vis des douleurs aiguës de faible intensité à modérée
Deux études cliniques ont été réalisées. L’une est résumée dans l’EPAR publié par l’EMA et l’autre a été publiée en 2016 (Rausch-Derra et al., 2016).
Les résultats cumulés de ces deux essais cliniques de terrain ont montré un taux plus élevé de succès thérapeutique en termes de soulagement de la douleur et d'amélioration des signes cliniques chez les chiens présentant des stades légers à modérés d'arthrose traités par le grapiprant à la dose quotidienne unique proposée de 2 mg/kg pendant 28 jours par rapport aux chiens traités par un placebo. L'utilisation du grapiprant n'est donc recommandée que chez les chiens souffrant d'arthrose légère à modérée. Enfin, en absence de données cliniques suffisantes sur l’influence de la prise alimentaire sur la pharmacocinétique du principe actif, le produit ne doit être administré qu'aux chiens à jeun.
Amplitude de l’effet analgésique et pourcentage de chiens répondeurs
L’analyse des données cliniques, résumées dans l’annexe, indique qu’outre le fait que le traitement ne vise que les douleurs de faible intensité ou modérée, le différentiel de succès thérapeutique entre le groupe traité par le grapiprant et le groupe placebo est faible. Selon les critères considérés, on peut estimer que sur 16 chiens traités, entre 2 et 3 animaux pourront être considérés comme répondeurs au traitement. Par ailleurs, en moyenne, le pourcentage de réduction de l’intensité de la douleur et de son impact sur la mobilité est en moyenne de l’ordre de 10 à 15%. Des réponses individuelles plus importantes peuvent être observées.
Par conséquent, si aucune amélioration clinique n'est apparente après 14 jours, le traitement doit être interrompu et différentes options de traitement doivent être explorées en consultation avec le vétérinaire.
En absence de données comparatives directes, il est difficile de se prononcer sur le niveau d’efficacité analgésique des AINS et du grapiprant. Deux études précliniques réalisées chez des chiens utilisés comme modèles d’arthrite aiguë induite par l’urate de sodium suggèrent la supériorité du carprofène ou du firocoxib par rapport au grapiprant (Budsberg et al. (2019) ; de Salazar et al. (2019)). L’extrapolation de ces observations expérimentales à l’OA en conditions cliniques reste spéculative.
Sécurité
Des vomissements ont été observés très fréquemment (effets indésirables chez plus d’1 animal sur 10 animaux traités) au cours des études cliniques. Des selles molles, de la diarrhée et de l’inappétence ont été fréquemment observés (entre 1 et 10 animaux sur 100 animaux traités) au cours des études cliniques. Ces signes étaient généralement transitoires. Une élévation des enzymes hépatiques, de l’urée, de la créatinine, une hématémèse ainsi qu’une diarrhée hémorragique ont été rapportés dans de rares cas (entre 1 et 10 animaux sur 10 000 animaux traités) après sa commercialisation.
Il a été conclu que des symptômes cliniques graves chez les jeunes chiens en bonne santé se produisent à des doses bien supérieures à la dose recommandée et que la marge de sécurité de 2,25 fois la dose recommandée est acceptable (EPAR ; Rausch-Derra et al., 2015 et 2016).
En absence de données comparatives directes, il est difficile de se prononcer sur le niveau de tolérance des divers AINS disponibles sur le marché et du grapiprant. Vu l’absence de gravité de la majorité des effets indésirables du grapiprant, cette molécule apparaît comme une alternative possible aux AINS en cas d’intolérance sans toutefois savoir si des intolérances croisées existent.
Conclusion du CBIP
Bénéfices
Le grapiprant est un principe actif exerçant des effets analgésiques partiels sur les douleurs articulaires légères à modérées. Compte tenu du nombre de répondeurs à ce traitement, il convient d’évaluer son efficacité au cas par cas et d’interrompre la thérapie après 14 jours en absence de résultats probants. Le grapiprant n’est pas recommandé dans les cas où l’inflammation figure parmi les cibles thérapeutiques.
Risques
Les effets indésirables, notamment gastro-intestinaux, sont fréquents mais le plus souvent transitoires et sans gravité. L’administration concomitante ou trop rapprochée de grapiprant et d’autres AINS risque de déboucher sur des effets indésirables graves au niveau gastro-intestinal. Une période de sevrage entre ces traitements est recommandée. En tant que sulfonamide, le grapiprant pourrait causer des réactions d’hypersensibilité chez les chiens sensibles, auquel cas, le traitement doit être arrêté. L’administration de grapiprant à des chiens de moins de 9 mois ou d’un poids corporel inférieur à 3,6 kg n’est pas recommandé.
Risques/bénéfices
Le grapiprant apparaît comme une alternative crédible aux autres AINS pour traiter les douleurs ostéoarticulaires faibles à modérées en première ligne ou en cas d’intolérance à ces molécules.
Sources
- Galliprant notice/RCP: https://www.ema.europa.eu/en/documents/product-information/galliprant-epar-product-information_fr.pdf
- Galliprant EPAR-Public Assessment Report: https://www.ema.europa.eu/documents/assessment-report/galliprant-epar-public-assessment-report_en.pdf
- Budsberg SC, Kleine SA, Norton MM, Sandberg GS. Comparison of two inhibitors of E-type prostanoid receptor four and carprofen in dogs with experimentally induced acute synovitis. Am J Vet Res. 2019 Nov;80(11):1001-1006. doi: 10.2460/ajvr.80.11.1001. PMID: 31644340. https://avmajournals.avma.org/view/journals/ajvr/80/11/ajvr.80.11.1001.xml?tab_body=pdf
- de Salazar Alcalá AG, Gioda L, Dehman A, Beugnet F. Assessment of the efficacy of firocoxib (Previcox®) and grapiprant (Galliprant®) in an induced model of acute arthritis in dogs. BMC Vet Res. 2019 Aug 29;15(1):309. doi: 10.1186/s12917-019-2052-0. Erratum in: BMC Vet Res. 2019 Oct 17;15(1):347. PMID: 31464629; PMCID: PMC6716846. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6716846/pdf/12917_2019_Article_2052.pdf
- de Salazar Alcalá AG, Gioda L, Dehman A, Beugnet F. Correction to: Assessment of the efficacy of firocoxib (Previcox®) and grapiprant (Galliprant®) in an induced model of acute arthritis in dogs. BMC Vet Res. 2019 Oct 17;15(1):347. doi: 10.1186/s12917-019-2116-1. Erratum for: BMC Vet Res. 2019 Aug 29;15(1):309. PMID: 31619253; PMCID: PMC6796375. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6796375/pdf/12917_2019_Article_2116.pdf
- Gregori D, Giacovelli G, Minto C, Barbetta B, Gualtieri F, Azzolina D, Vaghi P, Rovati LC. Association of Pharmacological Treatments With Long-term Pain Control in Patients With Knee Osteoarthritis: A Systematic Review and Meta-analysis. JAMA. 2018 Dec 25;320(24):2564-2579. doi: 10.1001/jama.2018.19319. PMID: 30575881; PMCID: PMC6583519. https://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/2719308
- Rausch-Derra LC, Huebner M, Rhodes L. Evaluation of the safety of long-term, daily oral administration of grapiprant, a novel drug for treatment of osteoarthritic pain and inflammation, in healthy dogs. Am J Vet Res. 2015 Oct;76(10):853-9. doi: 10.2460/ajvr.76.10.853. PMID: 26413822. https://avmajournals.avma.org/view/journals/ajvr/76/10/ajvr.76.10.853.xml?tab_body=pdf
- Rausch-Derra L, Huebner M, Wofford J, Rhodes L. A Prospective, Randomized, Masked, Placebo-Controlled Multisite Clinical Study of Grapiprant, an EP4 Prostaglandin Receptor Antagonist (PRA), in Dogs with Osteoarthritis. J Vet Intern Med. 2016 May;30(3):756-63. doi: 10.1111/jvim.13948. Epub 2016 Apr 13. PMID: 27075237; PMCID: PMC4913586. https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1111/jvim.13948
- Sartini I, Giorgi M. Grapiprant: A snapshot of the current knowledge. J Vet Pharmacol Ther. 2021 Sep;44(5):679-688. doi: 10.1111/jvp.12983. Epub 2021 May 31. PMID: 34057218; PMCID: PMC8518515.
- Vandeweerd JM, Zhao Y, Nisolle JF, Zhang W, Zhihong L, Clegg P, Gustin P. Effect of corticosteroids on articular cartilage: have animal studies said everything? Fundam Clin Pharmacol. 2015 Oct;29(5):427-38. doi: 10.1111/fcp.12137. Epub 2015 Aug 19. PMID: 26211421.
Abréviations
- AINS : anti-inflammatoire non stéroïdien
- EMA : European Medicines Agency (Agence européenne des médicaments)
- EPAR : European Puclic Assesment Report
https://www.ema.europa.eu/en/medicines/what-we-publish-when/european-public-assessment-reports-background-context - CVMP : Committee for Veterinary Medicinal Products
https://www.ema.europa.eu/en/committees/committee-veterinary-medicinal-products-cvmp - RCP : Résumé des caractéristiques produit ; le RCP, avec la notice et les informations figurant sur l'emballage, constitue l'information sur le produit (Product Information) d'un médicament vétérinaire