Folia Veterinaria

Tenir hors de portée... des animaux

datum publicatie: 29-10-2020
Espèce cible
chien
chat
Sujets
Pharmacovigilance

Le terme "Tenir hors de portée des enfants", présent sur les emballages et/ou les notices de médicaments, est bien connu du grand public mais les enfants ne sont pas les seules victimes d'intoxication à ces produits.

En effet, l'une des principales causes d'intoxication chez les animaux de compagnie est l'ingestion de médicaments à usage humain (Berny et al., 2010 ; Murad et al., 2019 ; McLean and Hansen, 2012 ; Means and Wismer, 2018). Ces produits peuvent être ingérés accidentellement si l'animal (surtout les chiens) y a accès, ou administrés par le propriétaire volontairement ou involontairement (en cas de confusion entre le traitement du propriétaire et de l'animal) (Moens et al., 2019 ; Cortinovis et al., 2015 ; Lamond Veterinary Clinic).

Principaux médicaments à usage humain responsables d'intoxications chez les animaux de compagnie

Les intoxications aux médicaments à usage humain sont signalées presque uniquement chez les animaux de compagnie (Berny et al., 2010 ; Means and Wismer, 2018). Parmi les principales substances actives responsables d'intoxications chez ces animaux, on retrouve l'ibuprofène (anti-inflammatoire non stéroïdien, AINS) et le paracétamol, deux substances très courantes qui sont utilisées pour le contrôle de la douleur chez l'humain mais qui peuvent causer des intoxications sévères chez nos animaux (Berny et al., 2010 ; Means and Wismer, 2018). Ainsi, les chats sont particulièrement sensibles au paracétamol en raison de leur faible capacité de glucuronidation (McLean and Hansen, 2012).

Des intoxications sont également rapportées pour les antidépresseurs, les inhibiteurs ACE (angiotensin-converting enzyme), les bêta-bloquants, les benzodiazépines et somnifères(*) et les antihistaminiques H1 (Berny et al., 2010 ; Means and Wismer, 2018 ; Murad et al., 2019 ; Pet Poison Helpline ; Lamond Veterinary Clinic). Le nombre de cas signalés au sein des différentes catégories de médicaments reflète globalement l'ampleur de l'utilisation de ces substances chez l'homme (Means and Wismer, 2018). Ainsi, l'augmentation de l'utilisation de compléments alimentaires à base de vitamine D est également responsable d'une augmentation des intoxications à cette substance chez les animaux de compagnie (Means and Wismer, 2018 ; Cortinovis et al., 2015, McLean and Hansen, 2012).
Il est à noter que selon des publications américaines (McClean and Hansen, 2012 ; Means and Wismer, 2018), la plupart des cas d'intoxications concernent des médicaments à usage humain alors que selon un article européen, les intoxications aux médicaments à usage humain sont plutôt signalées de manière sporadique (Berny et al., 2010).

Le Tableau 1 ci-dessous reprend les principaux médicaments à usage humain responsables d'intoxications chez les animaux de compagnie, ainsi que leurs signes cliniques chez les différentes espèces (principalement chiens et chats).

Tableau 1. Tableau récapitulatif des principaux médicaments à usage humain responsables d'intoxications chez les animaux de compagnie et leurs signes cliniques chez le chien, le chat et d'autres espèces animales (Murad et al., 2019 ; Cortinovis et al., 2015 ; Lamond Veterinary Clinic, Pet Poison Helpline).

Médicaments

Signes cliniques d'intoxication

AINS (surtout ibuprofène, naproxène)

chien, chat, oiseaux, rongeurs, furet : ulcères gastriques et intestinaux, insuffisance rénale

Paracétamol

-chien : lésions hépatiques irréversibles, lésions érythrocytaires

-chat : lésions érythrocytaires

Antidépresseurs

chien, chat : signes neurologiques (sédation, tremblements, crises d'épilepsie, manque de coordination), effets stimulants (tachycardie, hypertension, hyperthermie)

Inhibiteurs ACE

chien, chat : léthargie, vertiges, hypotension, faiblesse, vomissements, diarrhée

Bêta-bloquants

chien, chat : insuffisance cardiaque, bradycardie, hypotension, insuffisance rénale aiguë

Benzodiazépines et somnifères(*)

-chien, chat : sédation, manque de coordination, agressivité, agitation, hypersalivation, hyperthermie, nausées, vomissements, dépression respiratoire et cardiovasculaire

-chat : parfois insuffisance hépatique

Antihistaminiques H1 (loratadine)

chien, chat : dépression du système nerveux central (dépression respiratoire, coma), stimulation du système nerveux central (fortes doses), sécheresse des muqueuses, tachycardie, mydriase, vomissements, diarrhée

Vitamine D

chien, chat : hypercalcémie, insuffisance rénale

Et en Belgique ?

Le Centre Antipoisons belge reçoit chaque année un certain nombre d'appels au sujet d'intoxications pouvant être imputées à l'exposition à un médicament à usage humain. Un aperçu de la nature et du nombre d'appels est fourni dans le rapport “Farmacovigilantie Dieren – Analytisch rapport 2019” du Centre Antipoisons. Les informations suivantes font référence à ce rapport Pharmacovigilance (Moens et al., 2019).

Selon le rapport Pharmacovigilance 2019 du centre Antipoisons, les appels pour les chiens (N = 225) et les chats (N = 47) concernaient principalement des médicaments agissant sur le système nerveux, l'appareil locomoteur ou le système gastro-intestinal. Dans la majorité des cas, les signes cliniques rapportés étaient d’ordre neurologique (apathie, somnolence, ataxie…), gastro-intestinal (vomissements, diarrhée…) ou général (malaise, hypotonie, larmoiements, changements de comportement, hypothermie, fièvre…) (voir Tableau 2).

Chez le chien, 92,9 % des intoxications étaient accidentelles et 96,8 % des expositions au médicament humain étaient de nature orale. Chez le chat, 91,5 % des intoxications étaient accidentelles et 100 % des expositions étaient de nature orale. Dans 53 % des cas, pour ces deux espèces, les appels ont été passés par un vétérinaire.
Les appels concernant d'autres espèces exposées à un médicament à usage humain ont été peu nombreux et impliquaient un oiseau, un hamster, une poule et un lapin. Les médicaments concernés étaient respectivement : un médicament pour le système locomoteur, un médicament pour le système gastro-intestinal et deux médicaments à usage dermatologique.

Le Tableau 2 donne un aperçu de la nature des notifications reçues par le Centre Antipoisons belge en 2019 ainsi que les principaux signes cliniques signalés chez les chiens et les chats.

Tableau 2. Nature des principaux médicaments à usage humains auxquels les chiens et les chats concernés par les appels au Centre Antipoisons en 2019 ont été exposés et nature des principaux signes cliniques rapportés pour ces deux espèces. SN : système nerveux, AL : appareil locomoteur, SGI : système gastro-intestinal, Neuro : neurologiques, GI : gastro-intestinaux.

Espèce

Répartition des médicaments concernés selon leur classe

 

    Principaux signes cliniques      

 

SN

AL

SGI

Autres

Neuro

GI

Généraux

Autres

Chien

43,1 %

21,0 %

8,5 %

27,4 %

43,3 %

(apathie, somnolence, ataxie, agitation)

32,4 %

(vomissements, diarrhée, anorexie)

10,6 %

(malaise, hypotonie, larmoiements)

13,7 %

Chat

50,0 %

14,6 %

12,5 %

22,9 %

45,2 %

(ataxie, apathie, somnolence, mydriase)

35,6 %

(diarrhée, vomissements, anorexie, hypersalivation)

12,3 %

(troubles comportementaux, hypothermie, mort)

6,9 %

Pour plus de détails concernant la nature des médicaments à usage humain impliqués dans les intoxications d'animaux de compagnie et le type de signes cliniques rencontrés, voir Tableaux 3 et 4 en Annexes.

La majorité des intoxications aux médicaments à usage humain étant dues à une ingestion accidentelle, il est important pour le vétérinaire et le pharmacien de souligner les points suivants au propriétaire de l’animal :

  • Toujours tenir les médicaments hors de portée des animaux,
  • Conserver les médicaments dans un récipient suffisamment solide pour que les animaux ne puissent pas les mâchonner,
  • Bien séparer les traitements destinés aux êtres humains de ceux destinés à l'animal afin d'éviter les confusions,
  • Dissuader les propriétaires d'administrer de leur propre initiative des médicaments à usage humain à leurs animaux (Cortinovis et al, 2015 ; Pet Poison Helpline).

Pour plus d’informations sur les médicaments à usage humains commercialisés en Belgique, vous pouvez consulter le site web du CBIP : www.cbip.be.

Annexes

Tableau 3. Nature des médicaments à usage humains (code ATC et groupe) auxquels les chiens et les chats concernés par les appels au Centre Antipoisons en 2019 ont été exposés (Moens et al., 2019).

Code ATC

Groupe

Expositions (%)

Chien

Chat

A

Système gastro-intestinal et métabolisme

8,5 %

12,5 %

B

Sang et organes hématopoïétiques

2,4 %

/

C

Système cardiovasculaire

6,9 %

4,2 %

D

Usage dermatologique

4,8 %

8,3 %

G

Système uro-génital et hormones sexuelles

1,2 %

4,2 %

H

Préparations systémiques hormonales, à l'exception de l'insuline et des hormones sexuelles

0,4 %

2,1 %

I

Immunologie

/

/

J

Médicaments anti-infectieux à usage systémique

2,0 %

2,1 %

L

Substances antinéoplasiques et immunomodulatrices

1,6 %

/

M

Appareil locomoteur

21,0 %

14,6 %

N

Système nerveux

43,1 %

50,0 %

P

Médicaments antiparasitaires, insecticides et répulsifs

0,4 %

/

R

Système respiratoire

4,0 %

2,1 %

S

Système sensoriel

2,0 %

/

V

Divers

1,6 %

/

Tableau 4. Signes cliniques rencontrés chez les chiens et les chats exposés à des médicaments à usage humain et ayant fait l'objet d'un appel au Centre Antipoison en 2019.

Signes cliniques

Victimes (%)

Chien

Chat

Neurologiques

  • chiens : surtout apathie, somnolence, ataxie, agitation, tremblements, frissonnements.
  • chats : surtout apathie, somnolence, ataxie, mydriase, agitation.

43,3 %

45,2 %

Gastro-intestinaux

  • chiens : surtout vomissements, diarrhée, anorexie, hypersalivation, soif, nausée, méléna.
  • chats : surtout vomissements, diarrhée, anorexie, hypersalivation, constipation.

32,4 %

35,6 %

Généraux

  • chiens : surtout malaise, hypotonie, larmoiements, fièvre.
  • chats : surtout troubles comportementaux.

10,6 %

12,3 %

Dermatologiques ou sensoriels

  • chiens : surtout rougeurs, œdème, perte de poils.
  • chats : perte de poils.

4,0 %

1,4 %

Cardiovasculaires

  • chiens : surtout tachycardie, hypotension.
  • chats : tachycardie.

3,7 %

1,4 %

Respiratoires

  • chiens : surtout tachypnée.
  • chats : surtout dyspnée.

3,1 %

2,7 %

Uro-génitaux

  • chiens : surtout polyurie, hématurie.
  • chats : insuffisance rénale.

2,8 %

1,4 %


 

Note :

(*) Le terme "somnifère" n'est pas détaillé dans les articles de référence.


Bibliographie

  • Berny P., Caloni F., Croubels S., Sachana M., Vandenbroucke V., Davanzo F., Guitart R., 2010. Animal poisoning in Europe. Part 2: Companion animals. The Veterinary Journal. 183(3):255-9.

  • Cortinovis C., Pizzo F., Caloni F., 2015. Poisoning of dogs and cats by drugs intended for human use. The Veterinary Journal. 203:52–58.

  • Lamond Veterinary Clinic: 9 human medicines that can be fatal to pets.

  • McLean M.K., Hansen S.R., 2012. An Overview of Trends in Animal Poisoning Cases in the United States: 2002–2010. Vet Clin Small Anim. 42:219–228.

  • Means C., Wismer T., 2018. An Overview of Trends in Animal Poisoning Cases in the United States: 2011 to 2017. Vet Clin North Am Small Anim Pract. 48(6):899-907.

  • Moens J., Vandijck D., Descamps A-M. Jaarlijks rapport farmacovigilantie dieren 2019. Antigifcentrum 2020/006.

  • Murad B., Yankova S., Nikolov S., 2019. Humane Medications Poisonous to Pets. Conference paper, April 2019.

  • Pet Poison Helpline: Top 10 Human Medications Poisonous to Pets.