Folia Veterinaria

Antibiotiques des 1er, 2e et 3e groupes. Antibiothérapie de 1e, 2e et de 3e ligne. De quoi parlons-nous ? Comment prendre une décision pharmacothérapeutique ?

datum publicatie: 15-05-2016
Sujets
Antibiotiques

Résumé

Contexte

La notion d’antibiothérapie de première, de deuxième et de troisième ligne, pourtant courante, peut prendre des significations très différentes en fonction des critères utilisés pour classer les antibiotiques. En pharmacothérapie, les traitements présentant un rapport bénéfice/risque optimal sont sélectionnés en première ligne. En cas d’échec thérapeutique, des médicaments potentiellement plus efficaces mais pouvant présenter davantage de risques sont utilisés. Dans le cas particulier des médicaments antimicrobiens, la difficulté d’établir un classement est inhérente à la diversité des critères à prendre en compte pour estimer les chances de succès du traitement pressenti et les risques associés. L’efficacité peut faire référence à l’effet inhibiteur qu’exerce une substance antimicrobienne sur la croissance d’un germe, in vitro ou encore à la guérison microbiologique ou clinique. La recherche de l’efficacité optimale est toutefois limitée par les risques à prendre, pour l’animal mais aussi pour la santé publique. De ce dernier point de vue, les agents antimicrobiens sont aujourd’hui classés en trois groupes par ordre croissant du niveau de risque pour la santé publique. Ce classement facilite l’évaluation des risques encourus pour la santé humaine mais ne prend en aucun cas en compte les autres critères à intégrer dans la démarche thérapeutique. Il est parfois confondu avec la notion de traitement de première, deuxième et troisième ligne.

Objectif

L’objectif de cet article est de proposer un arbre décisionnel intégrant ces divers aspects en fonction des choix à opérer face à d’éventuels échecs thérapeutiques.

Prise de décision

L’antibiothérapie est une prise de décision pharmacothérapeutique qui se déroule en plusieurs étapes intégrant des critères microbiologiques, pharmacologiques et cliniques pour la recherche d’un compromis entre un bénéfice attendu et un niveau acceptable de risques.
Préalablement à toute antibiothérapie, le vétérinaire doit s’interroger sur la nécessité de recourir à des antibiotiques en cherchant toutes les solutions permettant de les éviter. Cette étape constitue un premier nœud décisionnel important à franchir. Lorsque leur usage est inévitable, une antibiothérapie de première ligne doit être mise en place. Les choix décisionnels à opérer se structurent en deux étapes. La première vise à sélectionner un principe actif potentiellement efficace sur le plan clinique et microbiologique, le moins dangereux possible pour l’animal et appartenant, si possible, aux antibiotiques du premier groupe. Si cette dernière condition est remplie, le recours à l’antibiogramme, bien que toujours utile, n’est pas indispensable. A ce stade, le rapport bénéfice/risque peut parfois être optimalisé en mettant en œuvre des tests microbiologiques visant à déterminer quelle catégorie de germes la thérapie doit cibler (coques/bâtonnets - gram+ /gram -). Si aucun antibiotique du premier groupe ne convient, un antibiogramme est fortement recommandé. La seconde phase doit permettre de choisir, parmi tous les médicaments contenant l’agent antimicrobien sélectionné au terme de l’étape précédente, celui caractérisé par une cinétique optimale pour atteindre des concentrations efficaces au niveau du site infectieux et sans risque pour l’animal et le consommateur.
En cas d’échecs thérapeutiques, le vétérinaire doit mettre en place une antibiothérapie de 2ème voire de 3ème ligne. L’antibiogramme devient alors incontournable pour deux raisons : 1) minimiser les risques d’inefficacité des antibiotiques et 2) justifier le risque éventuel pris vis-à-vis de la santé publique si des molécules du 2ème voire du 3ème groupe sont pressenties. Dans ce dernier cas de figure, l’antibiogramme doit non seulement apporter la preuve de l’efficacité potentielle du principe actif sur le germe pathogène visé mais aussi la résistance de ce dernier à tous les autres antibiotiques.

Conclusion

D’apparence complexe, cette démarche peut être facilitée en fonction de l’expérience acquise par le vétérinaire au cours de son activité clinique et de la remise en question régulière de ses pratiques, y compris les plus courantes. Ce n’est qu’à ces conditions que le vétérinaire peut prendre des décisions rapides et raisonnées optimalisant les bénéfices attendus du traitement tout en minimisant les risques qui y sont associés.


Introduction

Les substances antimicrobiennes utilisées en médecine vétérinaire peuvent être classées en trois groupes par ordre croissant du niveau de risque pour la santé humaine.
Ce dernier est lié à l’émergence de gènes de résistance, à leur capacité de transfert entre les germes et à leur importance en médecine humaine.

Dans le contexte thérapeutique, les substances actives, ou les médicaments qui les contiennent, sont indifféremment qualifiés de première, deuxième et de troisième ligne sans toujours expliciter les critères ayant conduit à ces classifications ni ce à quoi elles se réfèrent. Dès lors, suivre ces classements comme des recettes permettant la mise en place rapide et facile d’une antibiothérapie risque de conduire à des décisions thérapeutiques inadéquates, inefficaces et parfois dangereuses pour la santé des animaux et la santé publique. Pour éviter ces confusions et s’assurer d’une approche globale intégrant tous les aspects du problème, il semble plus opportun de parler d’antibiothérapie de première, deuxième et de troisième ligne au cours desquelles des substances actives et des médicaments différents sont utilisés à la suite d’un processus décisionnel au cours duquel des choix thérapeutiques ont été opérés.

L’usage raisonné des antibiotiques a été précédemment discuté (1). Dans un article récent (2), les divers critères microbiologiques, pharmacocinétiques et toxicologiques à utiliser pour opérer un choix raisonné efficace, sans risque majeur pour la santé des animaux et soutenable sur le plan de la santé publique y sont discutés dans le détail. Des sources d’informations utiles pour la prise de décision y sont également citées pour faciliter la démarche décisionnelle des vétérinaires.
L’objectif de ce nouvel article consacré à la prise de décision en antibiothérapie est de proposer des arbres décisionnels intégrant ces divers critères et conduisant au choix de substances antimicrobiennes et de médicaments à sélectionner au cours des antibiothérapies de première, deuxième ou de troisième ligne.

Evaluation du risque pour la santé publique: antibiotiques de 1er, 2ème et 3ème groupes

Aujourd’hui, les molécules antimicrobiennes sont d’abord classées en trois groupes en fonction : 1) de la diversité des mécanismes spécifiques de résistance ; 2) des possibilités de transfert des gènes de résistance et 3) de l’importance de ces résistances en médecine humaine.
Les trois groupes proposés par les organismes internationaux (OMS, OIE, UE…) sont les suivants :

  • A : antibiotiques dont l’utilisation ne doit pas nécessairement être justifiée par les résultats d’un test microbiologique complémentaire de laboratoire (antibiogramme) démontrant son activité sur la bactérie pathogène pressentie ;

  • B : antibiotiques dont l’utilisation devrait être justifiée par les résultats d’un test microbiologique complémentaire de laboratoire (antibiogramme) démontrant son activité sur la bactérie pathogène isolée.
    En l’absence de test complémentaire, le recours à un antibiotique de ce groupe devrait s’appuyer sur des résultats de tests antérieurs (<1 an), réalisés dans le même élevage ou lieu d’hébergement, pour le même genre de problème clinique ;

  • C :antibiotiques dont l’utilisation devrait être systématiquement justifiée par les résultats d’un test démontrant non seulement leur activité mais aussi l’inactivité des antibiotiques des autres groupes sur la bactérie pathogène isolée (antibiogramme).
    En l’absence de tels tests, le recours à ces antibiotiques doit être évité à moins que des résultats très récents (< 3 mois) obtenus dans le même élevage ou lieu d’hébergement n’en démontrent la pertinence.

AMCRA jaune AMCRA orange AMCRA rouge AMCRA a proposé un code de couleur pour identifier ces trois groupes de principes actifs (JAUNE [A], ORANGE [B] et ROUGE [C]), également repris dans la version en ligne du Répertoire Commenté des Médicaments à usage vétérinaire.

Cette classification vise à recommander un ordre préférentiel de choix du principe actif pour 1) contrôler/diminuer les résistances chez l’animal et 2) protéger la santé publique.
Elle ne permet en aucun cas de préjuger de leur efficacité chez les animaux atteints de pathologies bactériennes du fait des nombreux autres critères à prendre en compte.

Antibiothérapie de 1ère, 2ème et de 3ème ligne

La première décision que doit prendre un vétérinaire est d’ « instaurer ou non une antibiothérapie » après avoir évalué la situation et tous les moyens à mettre en œuvre pour éviter le recours à ces médicaments.
En cas d’impossibilité, une antibiothérapie dite de première ligne, devient incontournable. Le choix du médicament à administrer résulte d’un processus décisionnel en deux étapes. Dans un premier temps, un principe actif potentiellement efficace sur le plan clinique et microbiologique, peu dangereux pour l’animal et appartenant, si possible, aux antibiotiques du premier groupe (JAUNE [A]) doit être choisi. Dans ce cas, un antibiogramme n’est pas absolument indispensable mais des tests microbiologiques visant à déterminer quelle catégorie de germes la thérapie doit cibler (coques/bâtonnets - gram+ /gram -) peuvent parfois être réalisés. Si aucun antibiotique du premier groupe ne convient, un antibiogramme est fortement recommandé.

Dans un second temps, il s’agit de sélectionner, parmi tous les médicaments contenant l’agent antimicrobien choisi au terme de l’étape précédente, celui caractérisé par une cinétique optimale pour atteindre des concentrations efficaces au niveau des sites infectieux et sans risque majeur pour l’animal et le consommateur.
En cas d’échec thérapeutique, un nouveau processus décisionnel, similaire au précédent, conduit à l’instauration d’une antibiothérapie de deuxième voire de troisième ligne imposant le choix d’un nouveau médicament potentiellement plus efficace.

L’intégration des résultats d’un antibiogramme permet d’augmenter la probabilité d’un succès thérapeutique. Des principes actifs, du deuxième voire du troisième groupe, deviennent souvent incontournables. Afin de justifier cette prise de risque pour la santé publique, la réalisation de tests microbiologiques complémentaires, déjà imposés par la recherche d’une plus grande efficacité, devient incontournable.

Intégration des critères de choix des antibiotiques dans un processus décisionnel global

Le processus décisionnel conduisant à un choix raisonné et responsable d’une antibiothérapie intègre les divers critères de choix des substances et des médicaments antimicrobiens (3).
Ils peuvent s’articuler dans des arbres décisionnels à considérer comme des aides à la prise de décision.

Première décision : éviter ou instaurer une antibiothérapie

Le vétérinaire devrait systématiquement se questionner sur la nécessité de mettre en place une antibiothérapie et mettre en œuvre tous les moyens pour l’éviter.
Si l’animal n’est pas malade, des méthodes préventives comme la vaccination, les mesures hygiéniques, la séparation des animaux sains de ceux déjà atteints… doivent être mise en place.
Si elles sont efficaces, le recours à l’antibiothérapie n’est pas nécessaire.
En revanche, si le risque infectieux reste important malgré ces mesures, ou si certains animaux présentent une atteinte légère, il convient de s’interroger sur la gravité potentielle de la maladie, la probabilité d’autoguérison et sur l’existence de traitements curatifs alternatifs (Figure 1).

Mise en place d’une antibiothérapie : comment choisir un principe actif et un médicament ?

La décision du recours aux antibiotiques étant prise de manière raisonnée, le vétérinaire est amené à opérer des choix thérapeutiques successifs visant à mettre en place une antibiothérapie de 1ère ligne et parfois de 2ème et de 3ème ligne en cas d’échecs thérapeutiques répétés.
A chaque étape, il devra choisir un principe actif et un médicament adéquats.
La sélection d'un principe actif présentant un rapport bénéfice/risque favorable peut se faire en soumettant une liste de molécules pressenties à une analyse systématique se référant à des critères microbiologiques, pharmacocinétiques et de tolérance.
Il s’agit plus d’un processus d’exclusion, au départ d’une liste initiale, des substances manquant assurément d’efficacité ou trop dangereuses pour la santé publique ou animale que d’un processus de sélection de molécules dont on ne peut jamais garantir de manière absolue l’efficacité.
Les substances retenues sont à considérer comme potentiellement efficaces et caractérisées par un niveau de risque acceptable.

Ainsi que l’illustre la figure 2, le processus décisionnel peut débuter par un de ces trois critères dans un ordre fixé en fonction de la situation.
Le principe est de prévoir, sur base des acquis scientifiques et de l’expérience clinique du praticien, le critère le plus discriminant.
Enfin, une autre manière de procéder est de considérer une molécule particulière et de vérifier si elle répond à tous les critères fixés.
Une molécule étant pressentie, il convient de choisir le médicament le plus adéquat pour l’administrer. Sa sélection se base sur son efficacité reconnue, sur des critères liés à la cinétique et à la tolérance.

Antibiothérapie de première ligne

Les arbres décisionnels associés à cette prise de décision sont illustrés par les figures 3, 4 et 5.

Critères microbiologiques

La première décision est, comme souvent lors d’une antibiothérapie de première ligne, de ne pas s’aider d’un antibiogramme.
Afin de minimiser le risque d’inefficacité, des tests microbiologiques complémentaires visant à déterminer le type de germes (gram+ /- ; bâtonnets/coques), peuvent, dans la mesure du possible, être mis en place pour procéder à une première sélection (Figure 3).

Dans le cas contraire, l’exclusion des antibiotiques se fera sur base des germes pressentis et du spectre théorique de chaque principe actif.
L’obtention d’informations complémentaires sur le degré de résistance des germes incriminés constitue un second filtre éventuel et efficace pour restreindre la liste de substances potentiellement actives.
Parmi les substances retenues, seules celles appartenant au groupe A sont à considérer. Les antimicrobiens dont le spectre est le plus étroit possible doivent être sélectionnés en priorité afin de minimiser les risques d’émergence de résistance.
Enfin, les substances potentiellement inhibées in vivo sont à exclure.
La réalisation d’un antibiogramme permet d’augmenter les chances de succès thérapeutique.

Critères pharmacocinétiques

Pour qu’une molécule soit efficace et puisse être utilisée sans risque, il est nécessaire qu’elle rencontre un ensemble de critères cinétiques (Figure 4).

La voie d’administration pressentie doit être compatible avec une biodisponibilité suffisante. Le principe actif doit ensuite, pour diffuser jusqu’au site infectieux, posséder des caractéristiques adéquates en fonction du site à atteindre.
En fonction des voies d’élimination et de métabolisation normalement empruntées, les concentrations sériques peuvent être augmentées ou diminuées en cas de dysfonctions des organes impliqués.
Les conséquences peuvent être d’ordre toxicologique en cas d’élévation des niveaux sériques.
De même, des conséquences difficilement maîtrisables sur les temps d’attente sont possibles.
Une chute des concentrations peut se répercuter sur l’efficacité.

Critères de tolérance

Ces critères, inclus dans la figure 2, permettent d’éliminer les molécules potentiellement toxiques ou capables d’induire des effets indésirables inacceptables.
La sensibilité particulière des animaux doit être prise en compte en fonction de leur état physiologique et pathologique.
Si l’usage de médicaments potentiellement dangereux est inévitable, des mesures doivent, si possible, être prises pour réduire la sensibilité individuelle.
De même, les interactions médicamenteuses sont à éviter.

Choix du médicament

Ayant ainsi sélectionné un nombre restreint de molécules présentant, en toutes hypothèses, le meilleur profil bénéfice/risque, il convient de s’interroger sur le choix des médicaments les plus adéquats en s’aidant des indications figurant dans la notice, d’une analyse pharmacocinétique/pharmacodynamique (PK/PD) simple et de la prise en compte de risques particuliers décrits dans les RCP de chaque médicament (gestation, lactation, contre-indications, précautions particulières d’usage…) (1).
Le fait de disposer de médicaments revendiquant comme indication les pathologies à traiter donne déjà des garanties d’efficacité.
En absence d’indication précise, une analyse doit être effectuée pour éventuellement exclure le médicament pressenti.
Les détails relatifs à cette analyse ont été décrits précédemment (2,4).
D’apparence complexe, cette démarche peut être facilitée en fonction de l’expérience acquise par le vétérinaire au cours de son activité clinique et de la remise en question régulière de ses pratiques, y compris les plus courantes.
Ce n’est qu’à ces conditions que le vétérinaire peut prendre des décisions rapides raisonnées optimalisant les bénéfices attendus du traitement tout en minimisant les risques qui y sont associés.

Antibiothérapie de deuxième/troisième ligne

En cas d’échec thérapeutique en première ligne, il est assez naturel de chercher à minimiser les risques d’un nouvel échec.
L’antibiogramme devient incontournable pour ne cibler que les principes actifs exerçant une activité prouvée sur les germes pathogènes responsables de la maladie à traiter (Figure 3).

Le choix devra encore se porter prioritairement sur les antibiotiques du premier groupe.
En seconde intention, des antibiotiques du deuxième groupe seront choisis sur base des résultats de l’antibiogramme réalisé en vue d’améliorer l’efficacité du traitement.
Enfin, en dernier ressort, un antibiotique du troisième groupe sera choisi à la condition que les résistances aux autres principes actifs aient été démontrées par l’antibiogramme.
Une fois ces choix opérés, il convient d’appliquer, en tout ou en partie, la démarche décrite à la figure 2.

Comment utiliser les arbres décisionnels? 

En pratique, la prise de décision thérapeutique idéale, justifiée en tous points par des éléments rationnels et reposant entièrement sur la démarche de l’Evidence Based Medicine (5, 6, 7), ne peut être prise systématiquement.
Des éléments contextuels, le manque d’informations et la nécessité de prendre une décision rapide sont autant d’éléments qui poussent le vétérinaire à prendre une décision, certes perfectible, mais associée à un rapport bénéfice/risque acceptable (8).
Dans le cas de l’antibiothérapie, la démarche complète décrite dans cet article peut être utilisée pour comparer, par exemple, un antibiotique nouvellement mis sur le marché avec d’autres plus anciens (9) ou pour comprendre des échecs thérapeutiques inexpliqués.
Avec l’expérience, le praticien peut évidemment prendre des « raccourcis » en réalisant un choix sur base de quelques critères qu’il juge essentiels et variables en fonction de la situation clinique.
Cela ne signifie pas qu’il en oublie le reste de la procédure mais simplement que l’influence des autres critères non explicitement pris en compte, l’est de manière implicite et même parfois inconsciente.
Sans ces automatismes, aucune prise de décision rapide ne serait possible.
L’importance est de toujours rester critique et prêt à resoumettre ses choix à une nouvelle évaluation plus approfondie.
Ainsi, lorsqu’une décision rapide doit être prise, le vétérinaire peut, s’il a un doute sur la thérapie couramment mise en place, se limiter à une analyse ne prenant en compte que les critères les plus discriminants, c’est à dire ceux qui permettront d’éliminer le plus grand nombre de molécules potentielles, pressenties au départ.
Par exemple, lorsqu’il s’agit de traiter un cheval, il semble opportun de prendre prioritairement en compte le critère de tolérance qui, chez cette espèce, permet d’éliminer un grand nombre de molécules potentielles.
Cette question « du débutant » ne se pose évidemment plus pour le vétérinaire expérimenté.
Ou encore, lorsque l’infection s’installe dans un compartiment protégé par des barrières rendant la diffusion des molécules difficiles comme l’encéphale, la prostate ou la mamelle, la capacité de diffusion des antibiotiques devient primordiale et peut être facilement évaluée par le biais du volume de distribution et d’autres données cinétiques normalement reprises dans le RCP.
Le nombre d’antibiotiques répondant à ce critère étant assez limité, la suite du processus décisionnel qui consistera vraisemblablement à évaluer la sensibilité potentielle des germes suspectés, sera facilitée et plus rapide.
Si la gravité de la maladie et sa vitesse d’évolution l’imposent, la prise en compte d’autres critères microbiologiques comme la recherche d’informations sur les résistances et l’antibiogramme sera mise en œuvre afin de minimiser le risque d’échec thérapeutique.
D’une manière générale, la question est de savoir si les risques pris en ne prenant pas en compte l’ensemble du processus décisionnel sont justifiables au regard des bénéfices.

Conclusions

Moyennant une prise de décision raisonnée respectant les principes décrits dans cet article, le vétérinaire peut assumer, en toute responsabilité, sa mission de thérapeute visant à garantir la santé animale, à protéger la santé publique et à préserver l’efficacité des antibiotiques.


Bibliographie

  1. Frapper tôt, fort et longtemps : un vieux dogme de l’antibiothérapie revisité par les avancées scientifiques les plus récentes. Folia veterinaria 2012 n° 2.

  2. Les codes de bonne pratique en antibiothérapie : des recettes à suivre ou une base de réflexion. Folia veterinaria 2015 n° 1.

  3. Antimicrobial therapy in veterinary medicine. Giguère et al. 5th Ed. Blackwell publishing. 2013.

  4. Les conséquences de la mise sur le marché de médicaments génériques sur la consommation en antibiotiques et l’émergence des résistances. Folia veterinaria 2014 n° 2.

  5. AMM ou EBM ? La place de l’AMM et de l’EBM dans la prise de décision pharmacothérapeutique. Folia veterinaria 2011 n° 3.

  6. Avant propos concernant la médecine factuelle (EBM). Folia veterinaria 2011 n° 2.

  7. Evidence based medicine : concepts de base pour praticiens. Folia veterinaria 2008 n° 3.

  8. Understanding veterinary practitioners' decision-making process: implications for veterinary medical education. Vandeweerd JM, et al., Gustin P. J Vet Med Educ. ;39(2):142-51. doi: 10.3138/jvme.0911.098R1., 2012.

  9. Usage de céfovécine (Convenia®) pour le traitement des pyodermites superficielles chez le chien. Folia veterinaria 2008 n° 1.