Folia Veterinaria

Nouvelles données concernant le traitement pharmacologique de l'insuffisance cardiaque consécutive à une insuffisance mitrale chez le chien

datum publicatie: 15-10-2009
Espèce cible
chien
Indication
insuffisance cardiaque
Substance active
bénazépril
pimobendane
Sujets
EBM
Cardiologie

Le traitement adéquat de l’insuffisance mitrale constitue un véritable défi pour le médecin vétérinaire. Pour rétablir la fonction hémodynamique et l’équilibre neuro-hormonal, le traitement médicamenteux visera principalement à corriger l’hypertension veineuse, la diminution des performances cardiaques, l’augmentation du tonus sympathique et la stimulation excessive du système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA). De nos jours, le traitement de l’insuffisance mitrale repose sur l’usage de diurétiques, de vasodilatateurs, le plus souvent choisis parmi les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA), et de substances inotropes positives telles que la digoxine. Voici quelques années, un nouveau principe actif est venu s’ajouter à cette liste, à savoir le pimobendane. Cette substance, dite « inodilatatrice », combine à la fois une action inotrope positive et une action vasodilatatrice. L’étude QUEST, une étude multicentrique et randomisée, réalisée en simple aveugle et dont les résultats ont été récemment publiés dans le Journal of Veterinary Internal Medicine (1), a comparé l’effet du pimobendane et du bénazépril, un IECA, sur la durée de survie des chiens de petite taille ou de taille moyenne souffrant d’une insuffisance mitrale modérée. Dans le groupe traité par le pimobendane, la durée de survie s’avérait significativement plus longue que chez les animaux traités par le bénazépril. Un éditorial se rapportant à cette étude en nuance les résultats et suggère qu’il serait prématuré d’en conclure que tout IECA devrait être remplacé par du pimobendane. Compte tenu du nombre important de preuves scientifiques démontrant l’effet positif des IECA sur la durée de survie, les auteurs de l’article et de l’éditorial (2) plaident en faveur d’études supplémentaires pour analyser l’effet positif de l’association de pimobendane et d’un IECA et d’y inclure les animaux de grande taille. Considérant les résultats de l’étude QUEST d’une part, et les effets positifs prouvés des IECA d’autre part, il est permis, à ce stade, de conclure ce qui suit concernant le choix du pimobendane ou d’un IECA dans le traitement de l’insuffisance mitrale chronique chez le chien :

  • si les possibilités de traitement sont limitées pour diverses raisons, le pimobendane, associé à un diurétique, est à préférer à un IECA.
  • si les possibilités de traitement ne sont pas limitées, l’association des deux médicaments est à recommander avec un diurétique.

Introduction

La baisse de pression artérielle qui résulte d’une diminution du débit cardiaque, pouvant notamment survenir suite à un dysfonctionnement valvulaire, provoque une stimulation du système neuro-endocrinien. En particulier, la stimulation du Système Rénine-Angiotensine-Aldostérone (SRAA) augmente les taux d’angiotensine II, responsable de l’activation de nombreux mécanismes hypertenseurs. A terme, ce système qui est avant tout un mécanisme compensateur bénéfique, finit par provoquer une élévation de la postcharge et par conduire à une hypertrophie myocardique. Les IECA tels que le bénazépril ou l’énalapril, bloquent cette réaction indésirable et sont combinés avec succès avec des diurétiques ou éventuellement de la digoxine dans le traitement de l’insuffisance mitrale 1. Durant les deux dernières décennies, cette association est progressivement devenue le traitement conventionnel des chiens souffrant d’insuffisance cardiaque. La quête de nouvelles molécules visant à augmenter la contractilité du coeur a conduit au développement de ce qu’on appelle les « inodilatateurs », tels que le pimobendane, récemment mis sur le marché pour le chien. L’effet inotrope de ces substances est lié à une augmentation de l’affinité des fibres myocardiques (troponine cardiaque C) pour le calcium intracellulaire. La contractilité du coeur est ainsi augmentée sans augmentation de la demande en oxygène myocardique, une caractéristique qui les différencie des sympathicomimétiques. Par ailleurs, ces inodilatateurs inhibent également la phosphodiestérase au niveau des muscles lisses des vaisseaux, d’où leur action vasodilatatrice. Avec l’arrivée de ces inodilatateurs associant des effets inotrope positif et vasodilatateur systémique conduisant à une réduction de la postcharge, le traitement conventionnel des chiens atteints d’insuffisance mitrale, à savoir l’association de diurétiques et d’IECA, est remis en question. Il s’agit de savoir si un traitement par un inodilatateur, associé ou non à un IECA, donne de meilleurs résultats que le traitement conventionnel par des diurétiques et des IECA. L’étude QUEST contribue à apporter des éléments de réponse très intéressants à cette question. Cette étude a en effet comparé le pimobendane avec le bénazépril, tous deux associés avec un diurétique, le furosémide et éventuellement de la digoxine.

L’étude QUEST

Les résultats de l’étude QUEST (Quality of Life and Extension of Survival Time) ont été récemment publiés dans le « Journal of Veterinary Internal Medicine » (1). Il s’agit d’une étude multicentrique prospective, contrôlée positivement et réalisée en simple aveugle 2, ayant comparé les effets additifs du bénazépril (0,25 - 1,00 mg/kg pj) et du pimobendane (0,4 - 0,6 mg/kg pj) combinés à des traitements conventionnels chez des chiens présentant les symptômes cliniques d’une insuffisance cardiaque due à une maladie valvulaire dégénérative (MVD). Vingt-huit centres, répartis sur 11 pays majoritairement européens, ont collaboré à cette étude. L’étude, d’une durée de 3 ans, incluait 260 chiens (âge > 5 ans, PV entre 5 et 20 kg) atteints de la MVD et chez lesquels le diagnostic d’insuffisance cardiaque avait pu être clairement établi par des examens cliniques et complémentaires classiques (ECG, échocardiographie, dilatation atriale gauche et ventriculaire modérée à sévère, et symptômes cliniques révélateurs d’une insuffisance cardiaque). Les chiens étaient répartis aléatoirement dans deux groupes. Tous étaient traités avec du furosémide, et éventuellement de la digoxine, en association avec, selon le groupe, du pimobendane (0,4 - 0,6 mg/kg pj, en 2 prises, en moyenne 0,47 mg/kg pj) ou du bénazépril (0,25 - 0,1 mg/kg pj, en moyenne 0,38 mg/kg pj). La répartition des différentes variables telles que l’âge, le sexe, la race, la durée des symptômes cliniques, le traitement antérieur à l’étude, le traitement pendant l’étude, les paramètres concernant la qualité de vie, la fonction respiratoire, l’examen clinique général, l’ECG, la radiographie du thorax, et l’analyse du sang, était similaire dans les deux groupes, à l’exception d’une seule variable, le diamètre ventriculaire gauche pendant la systole. Le critère d’évaluation primaire 3 intégrait les paramètres suivants : mortalité ou euthanasie suite à l’insuffisance cardiaque ou échec thérapeutique. Dans les deux groupes, la durée de survie était considérée comme étant l’intervalle de temps séparant le début du traitement du moment de l’évaluation du critère primaire. A la fin de l’étude, 190 chiens sur 252 4 (75 %) avaient atteint le critère d’évaluation primaire. Le nombre d’animaux ayant atteint le critère d’évaluation primaire était comparable dans les deux groupes. En considérant la totalité des chiens (252) la valeur médiane de leur durée de survie était de 188 jours (IQR5 87 – 470 jours). Dans le groupe traité par le pimobendane, la durée de survie (267 jours, IQR 122 - 523 jours) s’est avérée significativement plus élevée (p=0.0099) que dans le groupe traité par le bénazépril (140 jours, IQR 67 - 311). Selon les auteurs, cette étude fournit des preuves convaincantes démontrant que le traitement de la MVD, chez des chiens de petite taille ou de taille moyenne (PV entre 5 et 20 kg), par du pimobendane en association avec un diurétique et éventuellement de la digoxine, a un impact plus favorable sur la durée de vie que le même traitement conventionnel associé au bénazépril. Cette étude scientifiquement bien menée, démontre clairement que le pimobendane est à préférer au bénazépril, et probablement à tout IECA en général, quand la question se pose en termes de choix entre ces deux principes actifs. Cependant, il reste à savoir, comme le fait remarquer l’auteur de l’éditorial se rapportant à l’étude QUEST (2), s’il convient de bannir les IECA et si l’association de pimobendane, d’un IECA et d’un diurétique aurait un effet encore plus favorable sur la survie des animaux. En l’absence d’études cliniques à ce sujet, ces questions restent actuellement sans réponse. La réponse du SRAA, du système nerveux sympathique et de la vasopressine, peut contribuer à aggraver les dysfonctions hémodynamiques d’origine cardiaque. Le traitement idéal de l’insuffisance cardiaque des chiens atteints de la MVD devrait, du moins en théorie, agir sur ces deux composantes. Il devrait combiner plusieurs médicaments dont certains, comme les diurétiques, les inotropes positifs et les vasodilatateurs, exerceraient des effets hémodynamiques et d’autres, tels que les IECA et les bêta-bloquants, moduleraient l’équilibre neuro-hormonal. Par ailleurs, l’auteur de l’éditorial remarque également que la durée de survie du groupe traité par le pimobendane n’est que de 267 jours ou 8,9 mois, et il compare ce résultat à ceux d’une étude rétrospective menée par Borgarelli et al. (3) qui constataient une durée de survie moyenne de 28 et de 9 mois chez des chiens atteints respectivement d’une insuffisance cardiaque moyenne et d’une insuffisance cardiaque sévère, secondaires à la MVD. Dans cette dernière étude, seuls 5,6% des chiens avaient reçu du pimobendane. Il conclut que les chiens traités par le pimobendane dans l’étude QUEST n’obtiennent que des résultats médiocres en comparaison de ceux obtenus dans d’autres essais, tandis que les chiens du groupe traité par le bénazépril obtiennent de plus mauvais résultats que prévu. Ceci ne fait que souligner les limites de nos connaissances, malgré des études cliniques scientifiquement bien menées, et montre que la prudence s’impose pour toute extrapolation. Les résultats d’une expérience sont acceptables dans les limites des conditions expérimentales. Ils doivent idéalement être confirmés par d’autres chercheurs et validés dans d’autres circonstances avant d’en étendre les conclusions à la vie réelle.

Conclusion

Considérant les résultats de l’étude QUEST d’une part, et les effets positifs prouvés des IECA d’autre part, il est permis, à ce stade, de conclure ce qui suit concernant le choix du pimobendane ou d’un IECA dans le traitement de l’insuffisance mitrale chronique chez le chien :

  • si les possibilités de traitement sont limitées pour diverses raisons, le pimobendane, associé à un diurétique, est à préférer à un IECA.
  • si les possibilités de traitement ne sont pas limitées, l’association des deux médicaments est à recommander avec un diurétique.

Références et lectures recommandées
  1. Häggström J, Boswood A, O’Grady M, Jöns O, Smith S, Swift S, Borgarelli M, Gavaghan B, Kresken JG, Patteson M, Ablad B, Bussadori CM, Glaus T, Kovacevi A, Rapp M, Santilli RA, Tidholm A, Eriksson A, Belanger MC, Deinert M, Little CJ, Kvart C, French A, Rønn-Landbo M, Wess G, Eggertsdottir AV, O’Sullivan ML, Schneider M, Lombard CW, Dukes-McEwan J, Willis R, Louvet A, DiFruscia R. Effect of pimobendan or benazepril hydrochloride on survival times in dogs with congestive heart failure caused by naturally occurring myxomatous mitral valve disease: the QUEST study. J Vet Intern Med. 2008 Sep-Oct;22(5):1124-35.
  2. Oyama MA. A QUEST begins J Vet Intern Med. 2008 Sep-Oct;22(5):1076-8
  3. Borgarelli M, Savarino P, Crosara S, et al. Survival characteristics and prognostic variables of dogs with mitral regurgitation attributable to myxomatous valve disease. J Vet Intern Med 2008;22:120–128.
  4. Lombard CW, Jöns O, Bussadori CM.Clinical efficacy of pimobendan versus benazepril for the treatment of acquired atrioventricular valvular disease in dogs. J Am Anim Hosp Assoc. 2006 Jul-Aug;42(4):249-61

Notes de bas de page
  1. Diverses études ont démontré que les IECA étaient supérieurs au placebo en ce qui concerne l’impact sur la durée de vie entre autres des chiens atteints d’insuffisance mitrale (l’énalapril dans l’étude COVE (1995) et l’étude LIVE (1998) et le bénazépril dans l’étude BENCH (1999)).
  2. Le médecin vétérinaire traitant n’était pas au courant du médicament, contrairement au propriétaire de l’animal et au fournisseur du médicament.
  3. Critère d’évaluation : ce qui est mesuré pour donner le résultat d’un événement ou d’une intervention.
  4. Les valeurs de 8 chiens ont été éliminées de l’analyse pour diverses raisons : 4 chiens ne répondaient pas aux critères d’inclusion, chez 2 chiens, le traitement avait été interrompu pendant trop longtemps, chez 1 chien, le schéma de l’étude n’avait pas été respecté et 1 chien avait
  5. IQR: l’écart interquartile (ou Interquartile Range) donne un aperçu intermédiaire des variations aux 1er , 2ème et 3ème quarts de la distribution des observations.