Folia Veterinaria

Recommandations pour l’usage des analgésiques dans la pratique équine de première ligne

datum publicatie: 30-03-2020
Espèce cible
cheval non prod d'aliments
cheval prod d'aliments
Indication
analgésie - douleur
Substance active
procaïne
lidocaïne
mépivacaïne
méloxicam
carprofène
kétoprofène
flunixine
phénylbutazone
suxibuzone
butorphanol
buprénorphine
Sujets
Analgésie
Lignes directrices

BEVA primary care clinical guidelines: Analgesia
Bowen I. M., Redpath A., Burford J. H., Hallowell G. D., Dugdale A., Watson T., Lloyd D. - Equine Veterinary Journal (EVJ), 52 (2020) 13-27

La douleur ayant un impact négatif conséquent sur le bien-être animal, l’analgésie, notamment via l’utilisation des médicaments analgésiques en médecine vétérinaire, doit être systématiquement intégrée dans la prise en charge des animaux victimes d’un processus douloureux .

Un panel d’experts de la British Equine Veterinary Association (BEVA) a rassemblé une série de lignes directrices pour l’utilisation sûre des analgésiques chez le cheval. Elles sont basées sur les meilleures preuves de la littérature scientifique disponibles et sur les avis des experts de la BEVA au sujet de l’impact d’une intervention et de ses effets indésirables*. Etant donné que ces lignes directrices sont chacune issues d’une situation clinique courante, elles s’adressent tout particulièrement aux vétérinaires exerçant en pratique équine de première ligne.

L’article complet dans lequel ces lignes directrices sont construites et commentées peut être consulté gratuitement en ligne. Le Tableau 1 reprend les différentes lignes directrices et indique avec quelle certitude le panel d’experts les recommande.

Le Tableau 2 donne une liste des analgésiques disponibles actuellement en Belgique pour le cheval.

Tableau 1 : Résumé des lignes directrices pour l’utilisation des analgésiques chez le cheval en fonction de différentes situations cliniques. Le degré de certitude avec lequel ces lignes directrices sont recommandées est indiqué pour chacune d’entre elles.

Situation clinique

Ligne directrice

Degré de certitude avec lequel la ligne directrice est recommandée par la BEVA*

Castration de routine

 

 

 

Administration intra-testiculaire d’anesthésiques locaux lors de chaque castration exécutée en routine, y compris lorsque la castration se fait sous anesthésie générale

Elevé

 

Administration préopératoire d’AINS

Elevé

 

Administration post-opératoire d’AINS pendant au moins 3 jours après l’intervention.

Modéré

 

Chez les chevaux subissant une castration élective, l’administration préopératoire de butorphanol fournit une analgésie insuffisante si aucun autre analgésique n’est utilisé.

Elevé

 

L’administration préopératoire de buprénorphine fournit une certaine analgésie post-opératoire mais est insuffisante pour être utilisée comme seul analgésique en période péri-opératoire.

Modéré

 

Etant donné les effets indésirables potentiels sur le système locomoteur de la bupénorphine chez les chevaux, l’usage préopératoire de cette substance chez les animaux subissant une castration debout requiert une évaluation préalable. Puisqu’aucune preuve scientifique n’est disponible dans ce cas-ci, aucune recommandation n’a pu être formulée.

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Douleurs d’origine orthopédique

 

 

 

La suxibuzone peut être administrée à la place de la phénylbutazone chez les chevaux souffrant de douleurs orthopédiques.

Elevé

 

La phénylbutazone fournit une analgésie plus large que le firocoxib** ou le méloxicam chez les chevaux souffrant de douleurs/fourbure.

Modéré

 

La phénylbutazone, le méloxicam et le firocoxib** sont des analgésiques efficaces pour les chevaux souffrant de douleurs synoviales (synovite) et ont un effet analgésique comparable.

Faible

 

Comparé à la phénylbutazone, le kétoprofène offre une moins bonne analgésie en cas de douleurs musculo-squelettiques aiguës de la paroi du sabot ou de douleurs synoviales.

Faible

Douleurs viscérales aiguës (coliques)

 

 

 

La flunixine a un meilleur effet analgésique que le méloxicam ou la phénylbutazone chez les chevaux souffrant de coliques.

Modéré

 

L’effet analgésique du firocoxib** est comparable à celui de la flunixine pour les chevaux souffrant de coliques.

Modéré

 

Il n’y a pas de preuves scientifiques disponibles pour la formulation de recommandations concernant l’utilisation du carprofène** ou du kétoprofène en cas de coliques.

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Douleurs non soulagées par un traitement aux AINS

 

 

 

Un dosage supramaximal ou la combinaison de différents AINS à dose maximale doivent être évités dans le cadre du traitement des douleurs orthopédiques.

Elevé

Utilisation d’analgésiques opioïdes

 

 

 

Le butorphanol a un effet analgésique limité. Si des opioïdes sont requis, un autre opioïde que le butorphanol doit être utilisé.

Elevé

 

L’administration sublinguale de buprénorphine n’est pas recommandée en analgésie équine.

Très faible

 

L’administration systémique de buprénorphine ou de µ-agonistes spécifiques offre une analgésie efficace chez le cheval, bien que les effets indésirables de ces substances doivent être étudiés plus en détail.

Modéré

 

L’effet inhibiteur potentiel des analgésiques opioïdes sur la motilité intestinale ne doit pas empêcher leur utilisation, particulièrement dans le cas des chevaux souffrant de douleurs intestinales sérieuses qui ont elles-mêmes un impact négatif sur la motilité intestinale.

Modéré

 

L’administration d’opioïdes puissants lorsque les chevaux ne présentent pas encore de douleurs (sévères) aura souvent pour résultat une activité motrice spontanée.

Modéré

Sécurité d’utilisation des AINS

 

 

 

Une analgésie intense peut être utilisée exclusivement sous le contrôle direct du vétérinaire ayant examiné le cheval et ayant établi un plan thérapeutique et analgésique selon lequel l’animal est suivi de manière continue.

Elevé

 

La phénylbutazone est un AINS ayant souvent des effets indésirables gastro-intestinaux (colite dorsale droite, ulcère gastrique). D’autres AINS, dont les substances COX-2-sélectives, causent moins souvent ce type d’effets indésirables mais n’en sont pas exempts.

Modéré

Utilisation d’autres analgésiques chez le cheval

 

 

 

Les AINS topiques ne doivent pas être recommandés pour utilisation chez le cheval.

Modéré

 

De plus amples études pharmacodynamiques et pharmacocinétiques sont nécessaires avant que le paracétamol** ne puisse être utilisé chez les chevaux dont la douleur ne peut pas être contrôlée par les AINS.

Elevé

Autres recommandations

 

 

 

Il n’existe aucune manière standardisée d’évaluer la douleur chez le cheval, ce qui rend difficile la comparaison des différents analgésiques et de leur efficacité dans les différentes études. Un système d’échelle de la douleur pour le cheval est nécessaire et permettrait d’évaluer et de comparer les analgésiques.

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Tableau 2 : Analgésiques disponibles sur le marché belge en tant que médicaments à usage vétérinaire indiqués pour le cheval
Cliquez sur la substance active pour consulter le commentaire pharmacothérapeutique et la liste des médicaments vétérinaires associés.

Anesthésiques locaux  
  Procaïne, lidocaïne, mépivacaïne
AINS  
  Méloxicam
  Kétoprofène
  Flunixine
  Phénylbutazone et suxibuzone (uniquement pour les chevaux non producteurs de denrées alimentaires)
Analgésiques opioïdes  
  Buprénorphine (uniquement pour les chevaux non producteurs de denrées alimentaires)
  Butorphanol

*Toutes les interventions ne sont pas recommandées avec la même certitude. Une décision médicale la mieux informée se base non seulement sur les meilleures preuves disponibles dans la littérature scientifique, classées en fonction de la pyramide des preuves (ex. méta-analyse > revue systématique > étude clinique randomisée > études de cas) mais aussi sur l’évaluation des experts, ici la BEVA concernant l’impact d’une intervention thérapeutique (Eng : outcome) et ses effets indésirables potentiels. Par exemple, concernant les cas de choc et de mort subite suite à l’injection iv de sulfamidés et de triméthoprime chez les chevaux sédatés à l’aide d’alpha-adrénergiques, seules des preuves scientifiques de qualité très modérée sont disponibles (articles nonpeer reviewed, aperçus, études in vitro). Cependant, ces effets indésirables sont si graves qu’il est fortement recommandé de ne pas combiner les deux traitements. Ainsi, il est tout à fait possible qu’une intervention soit fortement recommandée même si les preuves scientifiques sont limitées qualitativement ou quantitativement.

**Le carprofène, le firocoxib et le paracétamol ne sont pas commercialisés en Belgique comme médicaments vétérinaires indiqués pour le cheval. Il existe cependant un médicament vétérinaire européen enregistré, l’Equioxx®, à base de firocoxib indiqué pour le traitement de l’ostéoarthrite du cheval que le vétérinaire peut faire importer.