
Le bedinvetmab et certains AINS, comme le méloxicam, sont indiqués pour le traitement de la douleur chez le chien atteint d’ostéoarthrite (OA).
Innes et al. (2025) ont récemment publié une première étude qui comparait l’efficacité et la sécurité du bedinvetmab et du méloxicam dans le traitement de la douleur chez des chiens atteints d’OA. Cette étude a été effectuée à la demande de Zoetis, le titulaire d’autorisation du Librela (bedinvetmab), pour répondre à une question fréquemment posée en pratique vétérinaire : « Les AINS et le bedinvetmab sont-ils des options thérapeutiques équivalentes ? ».
Innes et al. (2025 ). A randomized, parallel-group clinical trial comparing bedinvetmab to meloxicam for the management of canine osteoarthritis. Frontiers in Veterinary Science/12/2025 DOI=10.3389/fvets.2025.1502218 ISSN=2297-1769
Sur base des résultats de l'étude, le CBIP conclut que :
- Sur une période de traitement de 56 jours, l’efficacité du bedinvetmab était comparable à celle du méloxicam. L’état des chiens traités en était cliniquement amélioré.
- Cette étude a enregistré plus d’effets indésirables pour le méloxicam que pour le bedinvetmab. Etant donné les limites de l’étude, ce résultat ne constitue pas une preuve robuste de différence de sécurité entre les deux substances.
- L’étude présente des faiblesses méthodologiques, notamment son financement par le titulaire d’autorisation du Librela (bedinvetmab), l’absence d’aveuglement pour le traitement et l’évaluation subjective des propriétaires.
Au vu du petit nombre d’animaux (101 chiens) et de la courte durée de l’étude (56 jours), il convient d’être prudent en généralisant ces résultats à une population canine plus grande, plus diversifiée et traitée plus longtemps. La même prudence est valable si l’on extrapole les résultats à d’autres AINS indiqués pour le traitement de la douleur chez les chiens souffrant d’OA (carprofène, cimicoxib, firocoxib, robénacoxib, grapiprant et enflicoxib).
Pour un traitement individuel, le choix thérapeutique devra se baser sur les antécédents et le profil de tolérance attendu du patient et sur les préférences du propriétaire. Une réévaluation régulière sera nécessaire pour adapter la stratégie de traitement à la réponse clinique et en cas d’éventuels effets indésirables.
Des études portant sur l’efficacité et la sécurité des combinaisons de bedinvetmab avec un AINS (méloxicam ou autre), régulièrement utilisées en pratique, manquent encore à l’heure actuelle (Farrell et al., 2025). Voir aussi article Folia « La sécurité du Librela à la loupe ».
L'étude et ses principaux résultats
A la demande de Zoetis, Innes et al. (2025) ont mené une étude clinique randomisée, non aveuglée, multicentrique (8 hôpitaux britanniques pour animaux), sur une durée de 56 jours.
Les chiens intégrés à l’étude étaient diagnostiqués pour la première fois ou traités auparavant uniquement avec des compléments alimentaires. Au total, 101 chiens avec OA ont été sélectionnés et répartis aléatoirement entre les 2 groupes.
Le premier groupe (52 chiens) a reçu 2 x une injection mensuelle de 0,5-1,0 mg/kg de bedinvetmab (J1 et J28). Le second groupe (49 chiens) a reçu une dose orale quotidienne de 0,1 mg/kg de méloxicam (le traitement a commencé avec une injection sous-cutanée de 0,2 mg/kg de méloxicam à J1).
Les chiens ont été examinés par le vétérinaire traitant avant le début du traitement. un examen sanguin, urinaire et radiographique a été effectué. Les consultations suivantes ont eu lieu tous les 14 jours (J14, J28 et J56). Lors de ces consultations, le vétérinaire a pris note des éventuels effets indésirables et des médications complémentaires (les animaux traités avec des médicaments susceptibles d’influencer les résultats de l’étude ont été exclus). L’examen sanguin et urinaire a été effectué à nouveau à J56.
La douleur et l’amélioration de la mobilité ont été évaluées avec le Canine Orthopaedic Index1 (COI), complété par le propriétaire avant le début du traitement et ensuite tous les 14 jours. Les chercheurs se sont basés sur une étude antérieure pour définir une diminution du COI de 14 points comme cliniquement pertinente.
L'évaluation vétérinaire catégorique (état musculo-squelettique général, douleur à la palpation/manipulation des articulations, boiterie/capacité à supporter le poids) était au moins « modérée » (échelle : cliniquement normal, léger, modéré, grave, presque invalidant) tant lors du screening qu'au jour 0. Le COI (évalué par le propriétaire) était d'au moins 26 points (score de COI maximal = 64 points).
Les chercheurs ont constaté une diminution cliniquement significative du score du COI pour les deux produits. L’efficacité du bedinvetmab n’était pas significativement supérieure à celle du méloxicam.
Dans le groupe bedinvetmab, une différence cliniquement pertinente a été atteinte au premier COI (J14). Pour les 3 COI suivants, une différence cliniquement pertinente a été constatée pour les deux substances. A la fin de l’étude (J56), cette différence atteignait 19,7 dans le groupe bedinvetmab et 17,1 dans le groupe méloxicam.
Lors de l’examen sanguin et urinaire, une augmentation significative des concentrations en créatinine a été constatée dans le groupe méloxicam. La pertinence clinique de cette observation n’a pas été étudiée.
Les effets indésirables suivants ont été signalés dans le groupe méloxicam : effets gastro-intestinaux sans gravité tels que diarrhée (n=5), vomissements (n=3) et anorexie (n=1), boiterie (n=3), ataxie (n=2), prurit (n=1) et 1 cas d’agression. Les effets indésirables suivants ont été signalés pour le bedinvetmab : boiterie (n=2), kyste interdigital (n=1) et polydipsie (n=1).
Une étude bien conçue mais pas exempte de faiblesses
Pour comparer l’efficacité et la sécurité du bedinvetmab et du méloxicam, cette étude a recruté des chiens de compagnie atteints d’OA, inscrits dans des pratiques vétérinaires différentes. Que l’étude se soit déroulée en conditions réelles, où le vétérinaire traite et suit le chien et où le propriétaire évalue l’efficacité, améliore la pertinence clinique des résultats.
Cependant, certains facteurs augmentaient aussi le risque de biais, ce qui limite la validité des résultats, notamment en ce qui concerne l’efficacité à long terme et les différences de sécurité entre les deux traitements :
- Zoetis a financé l’étude et était aussi impliqué dans la mise en place du protocole d’étude.
- L’étude a été conçue pour mesurer l’efficacité mais pas la sécurité.
- La taille de l’échantillon a été calculée pour étudier une différence d’efficacité. Aucun calcul n’a été effectué séparément pour étudier une différence en termes d’effets indésirables, ce qui ne permet donc pas de tirer de conclusion pertinente à ce sujet.
- Etant donné sa relativement courte durée, cette étude n’a pas pu identifier d’effets indésirables qui se manifestent après un usage à plus long terme.
- L’observance thérapeutique était difficile à contrôler dans le groupe méloxicam (les comprimés devaient être administrés quotidiennement par le propriétaire), contrairement au groupe bedinvetmab, aisément contrôlable (l’injection était effectuée par le vétérinaire). Un manque d’observance peut avoir influencé les résultats d’efficacité et le nombre d’effets indésirables signalés.
- L’absence d’aveuglement (les propriétaires et les vétérinaires traitants savaient quel traitement le chien recevait) peut, selon le médicament utilisé, créer certaines attentes et potentiellement influencer l’évaluation de l’efficacité et l’observation de certains effets indésirables.
- L’évaluation de l’efficacité avec l’échelle COI est subjective : le fait que le propriétaire remarque ou non certaines petites modifications dans le comportement du chien peut influencer le score total. D’autres méthodes comme l’analyse de la pression plantaire, de la démarche ou des trackers d’activité fourniraient des mesures plus objectives.
- L’évaluation des effets indésirables (graves, pas graves) par les propriétaires est subjective.
Bibliographie
- Innes J. F. , Lascelles B. D. X. , Bell D., Tulloch R., McVey A., Northcott C., Welbourn M., Higgins K., Horakova V., Maddox T. W. (2025 ) - A randomized, parallel-group clinical trial comparing bedinvetmab to meloxicam for the management of canine osteoarthritis. Frontiers in Veterinary Science/12/2025 DOI=10.3389/fvets.2025.1502218 ISSN=2297-1769 https://www.frontiersin.org/journals/veterinary-science/articles/10.3389/fvets.2025.1502218
- Farrell M, et al. (2025) Musculoskeletal adverse events in dogs receiving bedinvetmab (Librela). Front Vet Sci., May 9;12:1581490. doi: 10.3389/fvets.2025.1581490. PMID: 40417367; PMCID: PMC12100767. https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC12100767/